Ensemble vocal Anguélos

Les 30 ans - Articles

Ensemble vocal Anguélos

Affiche des 30 ans

Par Guilhem Tixier - Septembre 2019

1989-2019 : 30 ans !

L'ensemble vocal Anguelos fête ses 30 ans. Bravo ! 30 ans, c'est une belle longévité pour un ensemble qui avait commencé en petit choeur paroissial, autour de l'orgue de Quincy-Voisins, et qui, au cours des années a tracé un sillon d'une grande cohérence accumulant concerts et enregistrements, répertoires et créations. Cela se fête donc. Mais que fête-t-on ?

Ensemble vocal Anguélos

Crécy-la-Chapelle - 23 juin 2015

D'abord un musicien sans lequel toute cette histoire n'aurait pas été  : Valéry Aubertin qui, par amour du chant choral, consacre depuis près de trente ans, temps et expertise à atteindre une qualité et une exigence remarquables pour un choeur amateur. C'est sous son impulsion que se sont dessinés quelques grands traits qui font la marque du choeur, et dont le programme du concert donne une image fidèle. Premièrement, la variété du répertoire, qui embrasse les siècles et les styles. Ce soir de fête, le répertoire est exclusivement français : de Berlioz à nos contemporains, en passant par Fauré, Massenet, Debussy, Offenbach, Poulenc (pour ne citer que les plus célèbres).

Deuxièmement, la collaboration avec des musiciens professionnels, dont certains ont, au cours des années, tissé de véritables liens d'amitié avec le choeur, comme en témoigneront leurs interventions à la voix, au basson, au piano, harpe, flûte, trompette... Enfin, l'attachement à la musique actuelle, c'est-à-dire à l'exécution ou la création d'oeuvres que les compositeurs d'aujourd'hui, à commencer par Valéry Aubertin lui-même, dédient aux choeurs. Pour le concert, ce sont trois jeunes compositeurs, tous anciens élèves de Valéry Aubertin, qui seront joués, dont l'un pour la première fois.

Ensemble vocal Anguélos

De gauche à droite : Catherine Léhnert, Corinne Guérin, Sophie Bonneau, Jean Gobé
Quincy-Voisins - 23 juin 2012

Vous êtes donc tous invités à célébrer avec les membres du choeur, sa Présidente-fondatrice Marie-Louise Boulland, ses amis de longue date ou de récente rencontre, la musique riche et vivante que depuis 30 ans Anguelos cherche à faire connaître autour de soi. Car, et c'est sans doute le dernier trait qui caractérise Anguelos sous la direction de son chef Valéry Aubertin, l'amour de la musique ne se conçoit pas sans le désir du partage, et le plaisir de jouer de la belle musique n'est surpassé que par le plaisir de la faire entendre.


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Ensemblevocal Anguélos


Par Valéry Aubertin - septembre 2019

ANGUELOS, DROLE DE NOM !

Souvenirs personnels et
remarques sur le chant choral
:

Que s’est-il passé ce jour de 1989 où je me suis retrouvé dans cette petite église de Seine-et-Marne, à Quincy-Voisins ? J’avais dix-neuf ans, j’étais natif de la région et l’on m’avait demandé d’essayer le nouvel orgue qui venait d’y être installé : un petit instrument néo-baroque piquant et attachant. C’est là que j’ai rencontré Anguelos (« Tiens ! Drôle de nom… » pensai-je). Ce mot grec, qui signifie à la fois « messager » et « ange », avait été choisi pour nom de l’association en charge de l’orgue, en rapport avec le donateur de l’instrument : le père André Messager. J’ai eu maintes fois l’occasion de rencontrer le père Messager : incroyable personnage, haut en couleurs, qui avait économisé son argent pendant plus de quarante ans pour offrir cet orgue à la paroisse. Une histoire hors du commun… André Messager était prêtre, fin cuisinier et horloger : quels repas plantureux nous avons faits chez lui (des repas dignes d’un autre siècle !) ; il fallait avoir l’estomac solide. Il réparait de nombreuses horloges : à midi toutes les horloges sonnaient (presque) en même temps dans sa petite maison. On aurait dit qu’il y en avait à tous les étages ! De ce curieux phénomène naissait une musique improbable et très… sonore.

Entre 1989 et 2011, j’ai donc joué « l’orgue du père Messager » (surnom de l’instrument). Au début des années 1990, j’ai passé tant d’heures à travailler dans cette église vide, au milieu du silence de la nuit… Mais j’aimais aussi venir jouer l’orgue le matin, surtout ces jours de printemps où le soleil éclairait fort l’intérieur de l’église. Je fus l’organiste du village, comme on dit : en rêve, j’ose imaginer qu’un compositeur et organiste comme Jehan Alain – qui avait le sens des choses humbles – n’aurait pas eu honte de moi (l’une de ses phrases : J’aimerais être un vieil organiste très vieux qui jouerait tous les matins un office sur l’instrument qu’il connaît depuis de longues années. Un vieil organiste qui passe saluer gravement le chapitre à la sacristie avant de rentrer dans son vieux chez-lui.)… Dès l’âge de dix-sept ans, j’avais pu m’exercer aux délices du métier d’organiste liturgique, dans des paroisses plus grandes, à Paris ou ailleurs : j’ai vite senti que je n’y étais pas à mon aise ; il faut dire que je détestais jouer aux enterrements, et dans certaines paroisses il y en avait beaucoup trop, allez savoir pourquoi ! Quant aux mariages, ils m’amusaient médiocrement : prendre en charge un orgue important n’était donc pas inscrit dans ma destinée. Je voulais surtout composer : mais ce que je mettais sous ce mot ne recouvrait pas exactement ma définition d’aujourd’hui, loin de là…

Avec Anguelos, j’ai découvert plusieurs choses essentielles : le rapport entre la société civile (c’est-à-dire celle qui ne fait pas « profession de la musique ») et l’artiste, une certaine approche du travail musical artisanal et les complications de la vie en communauté ! Je me considérais comme un solitaire. Anguelos m’a fait grandir dans le sens d’une activité suivie en groupe (depuis trente ans, à ce jour). Le père Messager a bel et bien modifié ma trajectoire : il y a cette vie que j’avais avant dix-neuf ans, et celle d’après ; et il y a celle d’aujourd’hui, encore bien différente : mais Anguelos rôde toujours, caché là, derrière moi…

Comme souvent dans les églises des villages, il y a une chorale. Elle chante modestement le dimanche matin. Très vite, une question cruciale se pose : que vais-je pouvoir faire ici comme musique ? (« Tu ne vas tout de même pas rester à jouer cet orgue, les bras croisés, tous les dimanches matins ! » pensai-je…) Depuis ce temps, nous avons créé une animation musicale solide, organisé plus de cent cinquante concerts dans cette église et dans bien d’autres églises voisines, fondé un ensemble vocal, etc. Je dis « nous » car rien n’aurait été possible sans l’aide, le dévouement permanent de Marie-Louise Boulland, qui préside l’association depuis sa fondation. Dans ce « nous », je comprends aussi mon épouse Marie-Christine, ainsi que toutes les personnes qui participent au développement des activités musicales d’Anguelos. Je ne m’étais jamais figuré qu’une association, un chœur, puisse réunir autant de gens talentueux, de tournures d’esprit parfois très opposées, aux métiers si particuliers, aux vies parfois compliquées…

Le temps passe… Aujourd’hui, Anguelos poursuit son chemin grâce à son ensemble vocal ; l’orgue n’est plus à sa charge et il est joué par d’autres mains. Mais j’aimerais ici développer la question chorale, qui a pris tant de place dans ce cadre. En remontant quelques années, je peux dire que j’ai vraiment approfondi ce qui concerne la voix grâce à Anguelos. Certes, j’ai aimé chanter dans des chœurs (surtout depuis l’âge de vingt ans : avant, je considérais le chant comme une activité étrange, peu fiable, irritante et marginale) : les instruments (l’orgue, le piano, le violon, l’écriture pour orchestre…) me passionnaient beaucoup plus. Pourtant, mon professeur d’orgue Michèle Guyard, qui possède un grand sens du chant, m’avait souvent poussé à accompagner des chanteurs (depuis l’âge de quinze ans) ; Michèle considérait que c’était capital et elle avait raison. Je dois remercier aussi mon cher maître Rémy Stricker qui, par ses cours au CNSM de Paris, m’a éduqué à comprendre le chant : Schubert, Schumann, Liszt, Wolf, Duparc, tous ces compositeurs étaient étudiés très en détail dans sa classe. Ce grand exégète du Lied germanique avait des remarques si puissantes… Il édifiait à lui seul un goût sûr en matière d’interprétation vocale.

Un autre maître porta le « coup de grâce » : Stéphane Caillat. Marie-Christine et moi avons chanté durant des années aux stages d’été de Cordes-sur-Ciel : Passion selon Saint Jean de Bach, Requiem de Duruflé, Jephté de Carissimi, Stabat Mater de Rossini… Pendant presque dix ans, je fus organiste au sein de l’ensemble vocal qui portait son nom, groupe à l’histoire bien remplie, fondé en 1954. Très cher Stéphane : durant toutes ces années de travail, je t’ai admiré, observé, scruté, analysé ! Je te dois d’avoir aiguisé en moi le sens de la direction chorale. Un jour, tu me laissas généreusement diriger ton ensemble lors d’une répétition avec l’une de mes pièces : ce test ne fut pas brillant, mais quelle bonne leçon ! Je ne compris que très progressivement le rapport entre geste et musique… Habitué à jouer de l’orgue et à faire corps avec mon instrument, le « vide » entre mes bras et le chœur m’angoissait : la musique ne jaillissait pas spontanément des mains.

Diriger un ensemble vocal amateur, comme Anguelos, peut être une partie de plaisir, mais il faut savoir rester calme… Comme pour tout ensemble de ce type - et il y en a des milliers en France - il est nécessaire de posséder plusieurs qualités que l’on doit perfectionner au long des années. La première est évidemment l’exigence dans le travail. D’autres pourraient bien être : souplesse psychologique, sens des relations humaines, précision gestuelle, envie d’en découdre avec la voix, savoir ce que l’on veut obtenir (et tenter de l’obtenir le plus possible grâce au travail de répétition), être capable de concevoir des programmes originaux, structurés et variés, prendre des risques calculés en regard de certaines partitions difficiles (destinées à faire progresser le groupe), rechercher le répertoire adapté pour souder l’ensemble, être patient et opiniâtre… Cette liste n’est pas limitative et il est impossible de tout bien faire : il faut essayer cependant. Personnellement, je n’ai aucune ambition spéciale en tant que chef de chœur : comme certains compositeurs du passé, je souhaite seulement maintenir le fil de la longue tradition des « compositeurs-chefs de chœur ». Cependant, ce qui me fascine dans ce travail est de comprendre de l’intérieur comment fonctionne un chœur (surtout dans le répertoire a cappella) pour pouvoir mieux écrire ma propre musique (surtout les pièces a cappella), car c’est bien là le nœud du problème : écrire pour le chœur est loin d’être une évidence ! C’est un bain d’eau bouillante. Si l’on souhaite inventer une musique qui sorte un peu des harmonies, des rythmes, des dispositions ordinaires, cela devient vite infernal. Beaucoup de paramètres doivent être contrôlés. Prenons l’exemple d’une suite d’accords relativement dissonants et tendus : de tels accords sont théoriquement possibles mais peuvent provoquer de dangereuses ruptures de repères entre les pupitres, et l’intonation devient très vite fluctuante. Il faut par tous les moyens solidifier cette matière : en disposant ici et là certains intervalles consonants (type quintes ou tierces) entre pupitres liés stratégiquement (soprano et ténor, alto et basse), on peut favoriser l’ajustement d’accords assez complexes. Comme dans la musique du répertoire, il faut être vigilant sur la conduite des voix...

De même que plusieurs de mes collègues, je me suis beaucoup intéressé à la question du « chœur amateur »  : loin des débats qui ont pu avoir lieu dans le passé (souvent avec de terribles polémiques, sans compter le mépris affiché contre ceux qui veulent faire de la musique sans réelle formation), il me semble important de favoriser l’émergence de tels ensembles. Beaucoup de gens sur terre aiment profondément la musique, mais tous n’ont pas eu la chance de pouvoir l’étudier vraiment. C’est à notre tour de les aider : Mendelssohn, Bruckner, Brahms, Fauré, Anton von Webern et bien d’autres encore, qui tous dirigèrent des choeurs amateurs, l’ont fait bien avant nous ! Mais cela doit se faire dans le but d’obtenir des exécutions correctes (voire plus que correctes, si possible !), et qu’une véritable exigence musicale se manifeste dans le travail, de la part du chef bien sûr, mais aussi de la part de tous les choristes. Il faut favoriser les progrès des membres de l’ensemble au long des années sur au moins quatre points cruciaux : la technique vocale, la justesse d’intonation, la lecture des partitions, la conscience du style d’interprétation. Avant chaque répétition, je prépare un plan de travail précis. Pour qu’un ensemble non professionnel obtienne cohésion, présence physique dans l’interprétation, sûreté dans l’exécution, je pense qu’il faut répéter très régulièrement et aider chacun à connaître le plus parfaitement possible sa partie, mais aussi à comprendre le texte musical complet de l’œuvre. Je n’aime pas le « bourrage de crâne » : le chef doit faire en sorte de faciliter le travail des choristes ; de leur côté, ils doivent être assidus, exigeants avec eux-mêmes, attentifs à tout leur environnement musical. Selon moi, il faut qu’une pièce se monte assez « naturellement », lentement parfois, à force de patience et d’études rigoureuses. Un véritable musicien, qu’il soit amateur ou professionnel (mots un peu creux), ne peut supporter que la musique soit bâclée, abîmée. Ainsi donc, il n’est pas facile d’être choriste ! Si l’approche musicale est correcte, chanter en chœur fait grandir chaque personne de bonne volonté, la pousse au dépassement.

Ce qui me semble étrange dans cette aventure, c’est que ces trente ans passés en compagnie d’Anguelos croisent un vieux souvenir d’enfance : mon père passant certains dimanches matins un vieux disque de Bach, le début de la Passion selon Saint Matthieu. Il écoutait surtout les chansons à la mode, mais quand – par hasard – il mettait ce disque : quel choc ! Je devais avoir neuf ou dix ans, je jouais tranquillement sur le tapis du salon et j’écoutais en même temps… Bien avant que je fasse la moindre musique, le fondement était là.

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Valéry Aubertin

Valéry Aubertin


Valéry Aubertin

Orgue de Quincy-Voisins


Valéry Aubertin

Console de l'orgue
de Quincy-Voisins